FERREAE LACRIMAE
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L'enfant des ombres [Gälgenstrick l'Ombrelié : partie II]

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Message par Gälgenstrick Ven 1 Déc - 13:34

Ce matin, vous avez quartier libre. La plupart des frères s'entraînent en bas, d'autres décident d'aller faire une virée dans le désert ; le héraut et le commandant sont enfermés dans leurs quartiers et ont demandé à ne pas être dérangés, sauf urgence totale. Animé par une soudaine curiosité envers ce mort-vivant taciturne en vous remémorant ce que vous aviez lu à son sujet, et dont vous avez entendu dire par une des recrues qu'il pouvait basculer dans la folie à tout moment, vous décidez d'entrer dans le dortoir, en l'absence des frères, ayant dans l'idée de trouver d'autres traces écrites le concernant. Alors que vous passez en revue les différents lits disposés contre le mur, vous vous souvenez qu'un Réprouvé n'a pas besoin de dormir ; vous remarquez cependant une banale caisse, dans un coin au fond. Une dague bleutée, à manche rouge, est posée dessus. Vous vous approchez, priant pour que personne ne vous surprenne à fouiller dans les affaires des autres ; vous croyez sentir un regard posé sur vous, mais vous avez beau inspecter la pièce, vous ne voyez personne. Vous décidez d'ouvrir cette caisse, prudemment, mémorisant bien l'emplacement de chaque objet s'y trouvant ; d'autres dagues d'origine inconnue, quelques fumigènes, un os où sont gravés d'étranges symboles, ainsi que quelques documents. Vous attrapez le premier qui vous passe sous la main et le rangez dans votre poche, puis vous ressortez en vitesse, un frisson parcourant votre dos ; vous décidez d'aller poser vos fesses à la taverne pour lire ce document en toute tranquillité, au lieu d'aller vous entraîner.



« J'hurle.
Un vertige me prend.
Où suis-je ?


Alors que je tente de reprendre mes esprits, allongé et nu comme un ver dans une large fosse semblant avoir été creusée pour l'occasion, je distingue une créature éthérée lévitant au-dessus de moi. C'est une femme. Elle me regarde, avec bienveillance. Je crois déceler sur son visage le sourire de quelqu'un qui se veut rassurant, tout en ayant au fond des yeux une immense tristesse...


« ... Non... Que m'est-il arrivé ?!
- Chiens ! CHIENS !! »


Ces vociférations viennent de ma gauche. Je tourne la tête et crie à nouveau. Deux cadavres animés se tortillent, l'un de peine, l'autre de rage... Ils sont nus, décharnés, des morceaux de chairs les ont quittés, exhibant quelques parties de leurs squelettes... L'un a le fémur gauche visible et s'est recroquevillé sur lui-même, sanglotant sans toutefois parvenir à épuiser un quelconque stock de larmes ; quelques mèches de cheveux sont encore présentes sur son crâne, disposées ça et là, tombant de tous côtés de manière ridicule. L'autre macchabé, lui, tape du poing contre la terre fraîchement retournée, fait un boucan d'enfer... Il est chauve, pustuleux, on le croirait en phase terminale d'une atroce maladie si il n'avait pas l'air si mort... Il débite un nombre incalculable de grossièretés à la minute, insulte la créature spectrale en faisant de grands gestes... Un gourdin en cuir finit par lui atterrir dans la face ; cela semble l'avoir sacrément sonné. Il vacille, fait quelques pas en arrière, puis un pas vers moi (j'ai le temps de croiser son regard vitreux, moi qui suis encore au sol), puis s'affale lourdement en arrière près du zombie sanglotant, qui sursaute et geint de plus belle.


« Emmenez-le. »


Je tente de me redresser pour voir qui vient de parler. Mon regard glisse inévitablement sur mon propre corps. Je suis raide... rotules, radius, ulna, humérus à l'air... Je plaque mes mains contre mes tempes et je serre fort, j'hurle de toutes mes forces, les paupières fermées, compressées par l'horreur... J'ai l'impression que je vais exploser... C'est donc ça la vérité de ce monde ? A côté, j'entends qu'ils emmènent le braillard... Mais où ? Ca gueule soudainement à ma droite...


« NAAAAAAN !! »


C'est une femme cette fois, nue elle aussi... Je me force à regarder... C'est affreux. Sa peau est calcinée par endroits, une substance savonneuse blanchâtre s'échappe de son buste, duquel semble avoir été arraché son sein droit... Elle sanglote, perd la raison, la langue pendante, s'écroule, vomit un peu de cette substance immonde, tente de se relever, tombe, les yeux qui roulent... L'un des deux s'échappe de son orbite et vient rouler jusqu'à moi... Je détourne le regard, dégoûté. Puis je l'entends se relever et tenter quelques pas vers l'arrière, hésitante...


« Calmez-vous... Tout ira bien ! Sage !.. Bordel, elle va s'enfuir. »


Je regarde en face de moi. Les apprentis sorciers qui semblent chapeauter toutes ces résurrections se tiennent là, bien droits sur leurs... chevaux ?.. Oui, on dirait des chevaux... faméliques eux aussi... Au milieu se trouve celle que l'on appelle Hécate Cidolfus, une exécutrice de l'armée Réprouvée. Elle me fixe, ne semblant pas prêter attention aux deux pauvres bougres encore conscients à mes côtés.
A sa droite se tient celui que l'on nomme Iago Cobb, sous-lieutenant faisant partie du corps des Nécrotraqueurs. Lui alterne, regarde la femme, puis moi, puis la femme...  Son armure cache sa viande, on aperçoit toutefois ses os, à l'extrémité de ses membres, et aux articulations... Il porte une cagoule... Il ne dit rien non plus.
A la gauche d'Hécate se trouve Quintinus, un lieutenant forestier-sombre engoncé dans une armure de cuir noir, capuche relevée, regard noir. Il semble préoccupé par la santé mentale de l'amazone purulente à ma droite.


« Restez tranquille ! Vous êtes bien Mereana Mordegard ?
- Crève ! Qu'est-ce que tu m'as fait ?... Pourriture !... Sac à merde !! »


Elle s'enfuit - non sans mal. Quintinus empoigne les rênes de son cheval pour la poursuivre ; d'une simple phrase, Hécate le stoppe.


« Quintinus. Elle n'ira pas bien loin. Nous nous occuperons d'elle en temps et en heure. Allez plutôt inspecter le premier. »

Quintinus marque un silence, puis semble se raviser. Il descend de son destrier, puis marche vers le mort-vivant effrayé, qui tremble comme une feuille.


« Ton nom.
- A-A... AAAAAAAAAAH ! »


Le forestier-sombre reste de marbre. « On n'en fera rien pour le moment », qu'il déclare. Puis il se tourne vers moi.


« Toi... Tu étais dans un sale état lorsque nos hommes t'ont récupéré. »


Je ne réponds pas. 'C'qu'il veut que ça me foute ? Je suis mort et à poil.


« Lève-toi. »


Je m'exécute, péniblement. Un tas de haillons, lancé par Cobb, atterrit sur mon visage ; je m'empresse d'habiller ma dépouille.


« Bienvenue au Glas. Tu vas dorénavant servir notre cause : celle des Réprouvés, me dit Quintinus.
- Agatha, tu peux disposer. » dit Cidolfus à l'attention de la créature spectrale. Cette dernière disparaît sans bruit, m'adressant un dernier regard compatissant et triste à la fois.


Je m'extirpe de la fosse et regarde autour de moi. Des stèles, un caveau funéraire, quelques grilles en fer forgé délimitant le périmètre du cimetière ; d'autres macchabs vaquant à leurs occupations. Certains montent la garde, d'autres errent, perdus. Une grande forêt de pins nous entoure. La foldingue qui insultait Quintinus doit courir quelque part là-dedans.


« C'est donc toi le fameux gosse de Gilnéas ! me lance Iago Cobb, le regard malicieux, toujours perché sur son sac d'os quadrupède. Deux nécrotraqueurs, tapis dans l'ombre sur place, ont suivi ta trajectoire. Je tiens à te féliciter personnellement pour la fin de ton aventure. Quelle apothéose ! Je me réjouis de savoir que ces sales races de Gilnéens aient connu la terreur directement dans leurs rues. Au-delà de ça, tes talents d'apprenti voleur nous ont réellement impressionné – même si l'on ne peut pas t'enlever un certain sens du spectacle pendant ta dernière opération. »


Il rit. Cidolfus reste silencieuse. Quintinus, parti un peu plus loin, botte le cul d'un aspirant qui n'était pas à son poste ; ce dernier fait de grands gestes ridicules en essayant de se justifier. Je ne ris pas. Cobb nous regarde, haussant les sourcils, rire en suspens.


« C'est très bien, reprend le sous-lieutenant, effaçant son air amusé. Nous comptions t'intégrer à nos rangs, quel qu'ait été ton sort, ta mort prématurée est une très bonne chose pour...
- Abrégez, Iago, coupe Cidolfus. Je ne peux me permettre de rester ici ; cela a suffisamment duré.
- Bien, Madame, répond Cobb, semblant un peu vexé d'être interrompu. Tu vas me suivre, qu'il me dit. Ton entraînement débute demain. Etant donné tes affinités naturelles, tu seras directement assigné au groupe des aspirants nécrotraqueurs. Je m'occuperai de ta formation personnellement.
« Après ton entraînement, nous reviendrons ici afin qu'Ilius vous parle, à toi et aux autres bleus, du Culte des Ombres Oubliées. Pour le moment, nous allons nous mettre en route vers Fossoyeuse ; une chambre t'attend dans le quartier des voleurs. As-tu des questions ? »


Je n'en ai aucune. Je me fous pas mal de ce qui arrivera ; je désire juste prendre un peu de temps en solitaire pour essayer de penser. Dans ma tête résonnent les cris des Gilnéens et le son de mes lames s'enfonçant dans le cou gracile de leurs femmes. Puis me vient à l'esprit le fait que je n'aurai plus à devoir me nourrir pour survivre ; je le vis comme un soulagement. Quant à embrasser les ombres... Ma foi, c'est comme si c'était déjà fait.


« C'est lui le pendu, c'est bien ça ? crie Quintinus depuis l'autre bout du cimetière, revenant vers nous. Qu'on sait même pas comment il s'appelle ?
- Affirmatif ! » lui répond Iago. Quintinus éclate de rire ; Cobb et moi ne comprenons pas. Nous nous regardons un bref instant.


« Comment ils appellent ça déjà dans leur langue de sauvage, cette façon de nouer la corde pour la potence ? Ne me dites pas !...
- Noeud coulant... répond l'exécutrice Cidolfus, lassée, avant de faire faire un demi-tour à son cheval.
- C'est ça ! C'est ça ! réplique Quintinus avec enthousiasme, en marchant vers moi. Puis son sourire disparaît, et arrivé à ma hauteur, il approche son visage du mien, prenant un air mauvais :


« Chez nous, on dit : « Gälgenstrick ». »
Gälgenstrick
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